La grande histoire des célèbres « Emprunts Russes » qui traumatisa longtemps l’inconscient français, est complexe, pleine de rebondissements et de polémiques, sorte de reflet des déchirures politiques de la société française au siècle dernier. Un de ses épisodes mal connu, l’échec des pourparlers de la conférence franco-soviétique en 1927, révèle une logique de soumission de la volonté des dirigeants français par un alignement sur leurs homologues britanniques, et témoigne de l’affaiblissement de notre position en Europe.
De 1887 à 1913, la Russie tsariste emprunta à un million et demi d’épargnants français environ 12 milliards de francs or. Avec cet argent, elle finança notamment la construction de chemins de fer et le développement d’activités minières et de nouvelles industries. Cette politique accompagna la volonté des gouvernants français de se rapprocher des Russes après la défaite de 1870 contre l’Allemagne et aboutit même à un accord diplomatique en 1892. Cette recherche traditionnelle d’ « alliance de revers » sera fondamentale en 1914 au début de la Guerre. Suite à la Révolution de 1917, les Bolchéviques répudièrent intégralement cette dette par un simple décret. Dès l’année suivante, des pourparlers furent engagés avec Lénine pour tenter d’obtenir des compensations. Ainsi en 1924, la reconnaissance du gouvernement issu de la révolution par Paris réservait « les droits que les citoyens français tiennent des obligations contractées par la Russie », et l’invitait à débuter avec la France des négociations d’ordre économique.